Simple petit billet pour vous prévenir que le blog change de nom est d'adresse. Maintenant, c'est par-là que ça se passe : Homonculus.
On m'a souvent fait remarquer que mes textes avaient quelque chose d'humain, de réaliste au niveau humain. Je me suis donc dit qu'en mettant tous ces textes, et tous les textes à venir, bout à bout, on obtiendrait une sorte d'humain, jamais complet, artificiel : un homonculus (On me signale dans l'oreillette que le mot français est homoncule. Je rétorque qu'Homonculus est plus joli).
Avec ce changement d'adresse je perds tous vos gentils commentaires ; je compte sur vous pour m'en laisser plein d'autres.
PS : Le principe d'Homonculus reposant sur l'être humain, je n'y ai pas importé tous mes textes, notamment ceux qui touchent à l'animal. Si d'aventure j'écrivais une histoire qui n'a pas sa place sur Homonculus, je la posterais ici, alors ouvrez l'oeil !
jeudi 31 mai 2012
samedi 28 janvier 2012
Robin Genièvre
C'était un gamin sorti de nulle part. Certains disaient
qu'il avait été trouvé, nu comme un ver, errant en pleine nuit dans une rue
déserte, par les parents de tel ou tel élève - son identité changeait à chaque
fois. D'autres préféraient la version, plus réaliste, selon laquelle il était
simplement entré en classe avec le flot des autres élèves et s'était assis.
C'était le début de l'année, personne ne le connaissait. Les professeurs
n'avaient pas eu le temps de mémoriser la liste des élèves, et on l'avait
intégré comme ça à la classe. Robin Genièvre. Il portait une espèce d'uniforme,
qu'il ne quittait jamais et qui était devenu, dans l'esprit de beaucoup d'élèves,
une extension de sa peau. Une chemise bleu ciel, délavée, trop grande pour lui,
dont il ne boutonnait jamais le col ; un vieux jean, trop court, délavé
aussi, qui avait la couleur qu'avait dû avoir sa chemise lorsqu'elle était
encore neuve - même si certains doutaient qu'elle l'eût jamais été. Il ne
quittait jamais la classe. Les professeurs avaient vite abandonné l'idée de
l'en déloger. En été, il ouvrait la fenêtre, s'y accoudait et regardait dans le
vide. En hiver, il restait planté devant la vitre embuée, le même vide dans le
regard. Il parlait peu. Sa parole en était d'autant plus estimée. Robin forçait
un certain respect. Il lui suffisait de dire "Arrêtez", comme ça,
dans un souffle, presque inaudible, pour qu'aussitôt deux élèves cessent de se
battre. Il semblait lassé des choses, et en même temps profondément touché par
chaque instant que la vie lui apportait. Peut-être savait-il qu'il devait en
profiter, que sa vie serait courte.
Il se fit renverser par une voiture. L'automobiliste, qui
venait chercher sa fille au collège, affirma qu'elle ne l'avait pas vu sur le
bord de la route. D'un seul coup, elle l'avait remarqué et n'avait pas su
s'arrêter. Robin Genièvre ne saigna pas. Il fut percuté par le pare-chocs de la
voiture, vola sur quelques mètres, et retomba au sol, inerte, juste devant le
portail du collège. Robin Genièvre était mort. C'était un fait, incontestable.
Que personne ne prononça.
La vie reprit son cours. Les professeurs purent fermer la
salle de classe, car aucun garçon aux vêtements bleus et délavés ne contemplait
la fenêtre. Les élèvent purent se battre. Les premiers jours, on pensa à Robin
Genièvre. On contempla sa place vide, on regretta son silence. Et puis on l'oublia.
Il ne restait plus rien de Robin Genièvre. On finit par croire qu'on l'avait
rêvé. Une sorte de beau rêve collectif dans lequel avait existé un garçon
dénommé Robin Genièvre, qui portait une chemise bleu ciel délavée dont il ne
boutonnait jamais le col, et un vieux jean trop court, délavé aussi.
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