vendredi 8 octobre 2010

Une histoire qui finit bien

Bobom. Biiip. Bobom. Biiip. Bobom. Biiip. Biiip. Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip...
Les médecins s'activent.
L'appareil qu'ils manipulent est capable de ramener à la vie un corps tout juste mort. Une femme aux yeux rougis est entraînée hors de la pièce. On tire les stores.
« Mon bébé ! hurle-t-elle en frappant la vitre de ses poings. Mon bébé ! Rendez-moi mon bébé ! »
On passe près d'elle, on s'apitoie un peu, on hâte le pas, on est gêné. Cette femme dérange, avec sa douleur. La douleur, ça fait mal, mais quand ce n'est pas la nôtre, elle dérange.
La femme, réalisant que cela ne sert à rien, s'arrête soudainement. Elle aperçoit un banc, y laisse tomber son corps bouleversé, puis, ses larmes ne tarissant pas, fixe la porte. Cette porte derrière laquelle se joue le plus dangereux des jeux. Le jeu de la vie et de la mort. Un jeu dont l'issue peut-être une fin ou un début.
La femme attend, fébrile.
On ouvre la porte. On sourit, on tend le bras en arrière, on invite la femme à entrer. On dit des choses sur un ton joyeux, aussi, mais la femme n'entend pas. Elle se précipite au chevet de son enfant. Le jeu est terminé. Les médecins ont gagné. Dans le lit, il y a un corps, un corps encore jeune, un corps tout chaud et plein de vie. Avec ses cheveux blonds éparpillés sur l'oreiller, ses paupières fermées, sa bouche entrouverte, sa robe blanche d'hôpital, et sa peau pâle, toute pâle, qui reprend des couleurs, elle dort. Elle a tout l'air d'un ange.
C'est une histoire qui finit bien.

Elle avait grandi

Elle courait. À en perdre haleine. Elle s'arrêta brusquement, regarda autour d'elle de ses yeux affolés, fit brusquement demi-tour, poursuivit sa course effrénée. Rien ne lui était familier. Elle s'était perdue.
Ici, tout était étrange. Tout était étrange, mais ressemblait à s'y méprendre à ce qu'elle pouvait avoir connu ; sans l'être. Là-bas, la maison de son enfance. Proprette, joliment peinte. Identique à ce qu'elle avait toujours été. Mais, lorsque la fillette s'en approcha, luttant contre la brume invisible qui lui gelait le coeur, et regarda par la fenêtre, elle s'aperçut que la demeure était vide. Bien sûr, les meubles étaient toujours là. Le vieux piano de son grand-père, qui emplissait jadis la maison de notes teintée de joie et de mélancolie ; le vieux fauteuil de son père, dans lequel il lisait chaque jour son journal, pestant de temps en temps, souriant quelque fois ; la vieille porte de la cuisine, qui, tout en grinçant, délivrait d'alléchantes odeurs par les froides soirées d'hiver... Mais le piano était fermé et recouvert de poussière, tout comme le fauteuil. La porte béait sans émettre un son. L'enfant soupira, envoyant un nuage de buée se poser sur la vitre pour s'effacer lentement. Cette maison n'était pas la sienne.
Presque à contrecoeur, la fillette se détacha de la maison. À mesure qu'elle s'en éloignait, il lui semblait qu'un étau se desserrait lentement autour de son coeur. Elle se retourna une dernière fois pour observer la bâtisse sans vie. Même le petit nuage de buée, de souffle humain, avait disparu.
Et elle se remit à marcher.
Dans la rue s'alignaient des maisons, toutes identiques, qui semblaient s'étendre ainsi à l'infini. Depuis quand marchait-elle dans cette rue ? Quand y était-elle entrée ? Sans posséder de réponses, elle cheminait silencieusement, ayant pour seule compagnie le petit fantôme de vie qui s'exhumait de ses narines gelées. Lorsqu'elle tournait la tête, elle pouvait voir sur les fenêtres différents épisodes de sa courte vie. Ils étaient sans saveur, de simples images qui ne signifiaient plus rien. Peu à peu les souvenirs se firent moins denses. La jeune fille finit par ne plus voir dans les fenêtres que son propre reflet. Elle inspira une grande bouffée d'air froid, planta son regard dans le ciel gris et morne, puis commença à marcher à pas plus vifs.
Elle avait grandi.

Deux textes très courts

Alors que je comptais recopier sur l'ordinateur quelques textes griffonnés sur mon petit carnet vert (Oui, mon carnet est vert, ce détail est très important !), je suis tombée sur des petits trucs vraiment très courts... Les voici ^^ (C'est vraiment du remplissage, je vous l'accorde, mais je me voyais mal les coller à la suite d'un texte du plus long.)


L'envie brûlait dans son regard.
La fièvre flambait en ses yeux.
Et brusquement, sans crier gare,
Il se propulsa jusqu'aux cieux.
Libre.


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De derrière les arbres
Surgit soudain
Du plus profond de la nuit
Une étoile filante

samedi 25 septembre 2010

Coup de coeur littéraire n°1 : La guerre des Clans

Couverture du premier tome, Retour à l'état sauvage


Synopsis : Rusty, jeune chat domestique, part vivre dans la forêt pour goûter à la vie sauvage. Il se fait adopter par le clan du tonnerre, l'un des 4 clans de chats sauvages qui règnent sur la forêt, où il reçoit le nom de Nuage de Feu. Mais nombre de ses congénères, tous nés dans la forêt, le rejettent à cause de ses origines... Nuage de Feu saura-t-il prouver sa valeur aux membres de son clan ?

Extrait : Dans l'obscurité, il y eu un frémissement, et de tous les cotés surgirent des ombres agiles qui se glissèrent furtivement dur les pierres. Des griffes nues étincelèrent au clair de lune. Des yeux méfiants jetèrent des éclairent ambrés. Puis, comme si elles obéissaient à un signal muet, les bêtes s'attaquèrent. Les rochers fourmillèrent soudain de chats qui se battaient en poussant des cris aigus.
Au centre de ce tourbillon de fourrure, de griffes, un énorme animal moucheté au pelage sombre, plaqua au sol un matou brun olivâtre avant de relever la tête d'un air triomphal.
« Coeur de Chêne ! gronda le chat tigré. Comment oses-tu chasser sur notre territoire ? Les Rochers du Soleil appartiennent au Clan du Tonnerre ! »
Extrait du prologue du premier tome.


Cette saga fantastique vous plongera rapidement dans les recoins les plus obscurs de la forêt, et il vous sera difficile d'en ressortir ! Le style des auteurs (car sous le pseudonyme d'Erin Hunter se cachent en réalité plusieurs femmes) rend le récit captivant, en plus d'être merveilleusement bien écrit. Ces livres sont mes préférés et le resteront sans doute encore très longtemps. Dix tomes sont déjà sortis en France à l'heure où j'écris ces lignes.
N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de cette série en commentaire ! ^^


La guerre des clans, par Erin Hunter, édition Pocket Jeunesse, traduit de l'anglais par Cécile Pournin (premier cycle) et Aude Carlier (second cycle).
Les grands formats coûtent environ 15 euros, contre environ 7 euros pour les petits.
 

vendredi 3 septembre 2010

Murdering Abysse - Prologue

[ Un projet que je viens de commencer. L'idée originale vient de la soeur d'une amie ; je me contente de mettre des mots dessus. Le récit pourrait s'avérer assez sanglant par moment. ]


Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc.
Les gouttes tombaient, suivant un rythme régulier. Elles formaient une flaque, une flaque qui ne cessait de croître, une flaque poisseuse d'où émanait une odeur nauséabonde, une odeur métallique. L'odeur du sang. Dans la flaque baignait un corps, un corps encore chaud dont tout le sang n'avait pas fini de couler le long d'un reste de carotide. La tête gisait, à peine quelques centimètres plus loin, et le liquide poisseux s'en déversait également. Dans la pénombre ambiante, le sang paraissait noir. Un sang noir, chaud, dans lequel se reflétait la faible lueur de l'éclairage artificiel de la rue avoisinante. La lueur se reflétait également dans la lame, ruisselante de sang noirâtre, d'un couteau. Son propriétaire se tenait devant la fenêtre, masquant ainsi son visage dans l'obscurité. Un rire glacial résonna dans la nuit. Du cadavre continuait de s'écouler du sang. Dans la pièce se tenaient trois personnes : le cadavre, l'homme au couteau et une jeune femme. Celle-ci, les yeux révulsés de terreur, tremblant de tous ses membres, amorça un mouvement de recul. Son dos heurta une porte. La jeune femme tenta vainement, d'un geste frénétique, d'attraper la poignée pour mettre fin à ce cauchemar. Mais ses mains tremblaient trop et, en un bond, l'homme était devant elle. Elle put sentir son haleine putride tant il se tenait près d'elle. Lentement, il approcha son arme du cou frêle, si frêle, de ce cadavre qui vivait encore. Un sourire se détacha sur son visage.
« P... pourquoi ? balbutia la victime.
Pour toute réponse, le sourire de l'agresseur s'élargit. La lame se baladait sur le cou, l'effleurant à peine. L'homme força la jeune femme, de la pointe de son couteau, à relever la tête. Une peur indicible se reflétait sur son visage émacié. Des larmes de terreur coulaient à présent de ses yeux.
« Pourquoi, gémit-elle, pourquoi... ? »
En même temps, elle levait toujours plus tête, tentant de retarder le moment où la lame entamerait sa chair. Bientôt, son crâne se heurta à la porte. L'homme ricana. Avec une douceur infinie, il dessina une minuscule entaille dans le cou blanchâtre de la jeune femme. Puis il passa son doigt sur la goutte de sang qui perlait, rose rouge dans un parterre de roses blanches, sur le cou de la victime. Lentement, il ramena son doigt à lui, le plaça au-dessus de sa tête, et tendit la langue pour y recevoir la goutte. Il adopta un air d'extrême satisfaction, puis son rire glacial et cristallin éclata à nouveau dans la nuit. Il dessina alors des formes, de la pointe du couteau, sur le cou sa proie - qui avait à présent fermé ses yeux larmoyants et récitait des prières à voix basse. Un sablier entouré d'éclairs. Le même que celui qui ornait le pied droit du cadavre déjà mort. Les larmes de la victime coulaient le long de ses joues, puis atteignaient son cou où elles se mêlaient au sang. L'assassin lui adressa un dernier sourire, puis planta sans émotion le couteau dans le coeur de la jeune femme. Elle hurla, puis son corps glissa le long de la porte. L'homme ramassa son couteau et contempla son oeuvre. Un orage éclata, et un éclair dévoila l'espace d'un instant le visage de l'homme qui, sans s'en soucier, quitta la pièce après avoir brisé la vitre de la fenêtre.
Un visage qu'Abysse, cachée dans un placard, n'oublierait jamais.

Petite lapine de neige

Par une froide nuit d'hiver, les premières neiges tombèrent sur la lande. La lapine blanche, blottie bien au chaud dans son terrier, regardait les flocons blanchir le sol, avec une pointe d'appréhension puisque les pousses d'herbe dont elle se nourrissait seraient bientôt ensevelies sous une épaisse couche de neige.
Lorsque les flocons stoppèrent un instant leur incessante et lente chute, elle décida de sortir pour aller grignoter quelques brins d'herbe tant qu'elle le pouvait. Dehors, la Lune brillant d'un étrange éclat. Jamais elle ne lui avait paru aussi proche et aussi belle. La lapine s'arrêta un instant, se dressant sur ses pattes postérieurs pour admirer l'astre nocturne. Puis son estomac lui dicta de retourner à ses occupations. Esclave de son instinct, l'animal de détacha de sa contemplation de la lune et creusa la neige à la recherche d'herbe tendre. La maigre fourrure de ses petites pattes ne parvenait pas à la protéger du froid, mais c'est avec les membres engourdis qu'elle déterra une magnifique touffe d'herbe. La lapine grignota paisiblement, ne s'apercevant pas de la neige qui recommençait à tomber. Elle avait froid, très froid. Mais son pauvre estomac lui dictait de manger, encore et encore, pour ne pas périr de la faim. Elle avait froid, très froid. Elle avait faim, très faim. Tout son corps s'engourdit peu à peu. Elle n'eut bientôt plus la force de se débarrasser de la pellicule du neige qui recouvrait et trempait son pelage immaculé. Ses mâchoires n'avait plus la force de mâcher. La lapine lança un dernier regard vers la Lune, à cet instant plus éclatante que jamais. Puis elle s'écroula.

Lorsqu'elle se réveilla, elle était une lapine de neige. Elle n'avait plus froid, plus faim, plus mal, et la Lune l'invitait de sa lumière bienveillante. Alors elle s'envola et partit rejoindre la Lune dans le ciel étoilé.



[Encore une fois, ce texte a été écrit pour une présentation sur un forum.]

Le couteau

Le couteau est sur la table. Le couteau est sur la table. Si facile à attraper... Le couteau est sur la table, je n'hésiterai pas à m'en servir. Tu es là, devant moi. Mes yeux t'ont montré le couteau. Et ils t'ont murmuré mes mots. Et tes yeux, les tiens, ont eu peur. Ils ont répondu d'arrêter. Et tu es là, devant moi, et le couteau est sur la table, mes yeux te montrent le couteau, les tiens me supplient d'arrêter, et je ne suis pas une enfant sage. Je ne l'ai jamais été, tu le sais. Tu recules, un pied, puis l'autre. Tu essaies de sortir. Tu essaies de sortir. Mais on ne fuit pas le destin. Le couteau est dans ma main.

Le couteau est dans ma main. Le couteau est dans ma main. Le couteau est dans ma main, et je sais comment m'en servir. M'a main t'a montré le couteau. Tu continues de reculer. Mais c'est trop tard, maintenant. Embrasse-moi ! Prends-moi dans tes bras, enlace-moi. Murmure-moi des mots doux. Là, là, c'est tout... Lâche ce couteau, ne fait pas l'enfant. Si tu dis ça, je t'obéis. Mais tu ne dis rien, rien du tout. Tu continues de reculer. Tu es sorti de la cuisine. Presque. Mais je ne veux pas que tu t'en ailles. On est bien, tous les deux. On s'amuse. Je vais derrière toi, je ferme la porte. Avec la clé. La clé que je garde. Ah, elle scintille, la jolie clé ! Tu voudrais l'avoir, cette jolie clé, l'avoir, et la garder pour toi tout seul, en être le seul maître, en faire ce que tu veux... Mais tu ne peux pas, parce que la clé est dans ma main.

La clé est dans ma main. La clé est dans ma main. La clé est dans ma main, et je viens de m'en servir. Tu la veux, la jolie clé ? Viens la chercher ! Ho, ho, ta main n'est pas passée loin ! Ho, ho ! Vraiment pas loin ! Tu l'avais presque, la jolie clé ! Mais c'est raté. C'est encore moi qui l'ai. La clé est dans ma main, la clé est dans ma main. Mes poignets sont dans tes mains.

Mes poignets sont dans tes mains, dans tes mains, tes grandes mains, tes mains puissantes. Mes poignets sont dans tes mains. Le jeu s'est arrêté. Tu ne ris pas. Vraiment pas. Mes poignets sont dans tes mains, et tu me murmures des mots. Mais ils ne sont pas doux, tes mots. Ils sont durs, ce sont des pierres. Des vilaines pierres, pas rondes, des vilaines pierres qui veulent me blesser. Mais tes mots-pierres ne me touchent pas. Alors, c'est ton regard qui se durcit. C'est un couteau, comme celui que j'ai dans la main, ma main qui est bloquée par la tienne. Ce sont des couteaux, ils veulent me toucher, ils le veulent, très fort, et quand on veut on peut. Mais je ne veux pas qu'ils me touchent, et quand on veut on peut. Je ne veux plus ; c'est moi qui peux. Tes yeux-couteaux ne me touchent pas. Mes poignets ne sont plus dans tes mains. Ce jeu aussi, tu l'arrêtes. Le couteau est dans ma main. La clé est dans ma main.

La clé est dans ma gorge. La clé est dans ma gorge. Tu la voulais trop, tu ne t'intéressais plus à moi. Alors la clé est dans ma gorge, plus de clé, plus que moi. Coucou, je suis là ! La clé est dans ma gorge ! Tes yeux ont peur. Ils me l'ont dit. Te l'ont-ils dit, à toi aussi ? Tu n'essaies plus de partir. Ah oui, c'est vrai, la porte est fermée. Tu ne peux pas. C'est dommage, fort dommage. Vraiment dommage. Tu es obligé de rester, là, avec moi, et le couteau dans ma main, et la clé dans mon estomac. Pourquoi as-tu si peur ? Tu n'aimes pas ça, être avec moi ? Ah oui, c'est vrai, tu me l'as dit. Le couteau était sur la table, quand tu me l'as dit. Maintenant il est dans ma main. Serre-moi dans tes bras. Embrasse-moi dans le cou. Murmure-moi des mots touts doux. Le couteau est dans ma main. Toi, tu es collé au mur. Tu me regardes, avec tes yeux qui ont peur. Toi aussi, tu as peur. Tu as peur de moi, ou du couteau ? Le couteau est dans ma main. Tu ne fais pas ce que je dis. Je suis un peu fâchée. Et si je te punissais ? Juste un peu, rien qu'un petit peu. Pour que tu reprennes goût au jeu. Le couteau est dans ma main.

Le couteau est dans ton coeur. Le couteau est dans ton coeur. Le couteau est dans ton coeur, et j'ai très bien su m'en servir. Ça y est, tu me les murmures, tes mots doux. Mais que dis-tu ? Je ne comprends rien. Vraiment rien. Tu ne veux pas faire un effort ? Non, ce ne sont pas des mots. Des sons, juste des sons. Me voilà déçue. Mais qu'est-ce que c'est, là, qui coule de ton coeur ? Ce joli liquide rouge, épais, qui trempe ta chemise et la lame de mon couteau ? Qui coule, qui coule, qui coule ? Est-ce que c'est ton sang ? Tu as un très joli sang, bravo. Tu dois en être très fier. Ton sang est si joli ! Si tu permets, j'en prendrai un peu. Mon doigt est dans ton sang. Ton sang est sur mon doigt. Ton sang est sur mes lèvres. Ton sang est sur ma langue. Tu as un très bon sang. Bravo, tu dois en être très fier. Tu veux voir le mien ? Mon sang à moi, rien qu'un moi ?

Le couteau est dans mon bras. Le couteau est dans mon bras. Le couteau est dans mon bras, et du sang coule, et c'est mon sang. Le couteau est dans mon bras. Tu l'aimes, mon sang ? Tu le trouves joli ? Tu le trouves bon ? Oh, tu regardes à peine ! Tes yeux sont à moitié fermés, et tu es tout pâle. Ça ne va pas ? Oh, le joli filet de bave, qui coule sur ta bouche. Il est rouge, comme ton sang. Tout aussi joli. Maintenant qu'on s'est montré nos sangs, embrasse-moi. Enlace-moi, dis-moi des mots doux. Oh, mais tu ne bouges plus. Tu es comme une poupée, une poupée de chiffon. Ce n'est pas drôle, pas drôle du tout. Je m'amusais tant, avec toi. Tant pis. Le jeu est fini. Je ne m'amuse plus. Tu n'es vraiment pas drôle, en fin de compte. Le couteau est dans mon coeur.

Le couteau est dans mon coeur. Le couteau est dans mon coeur. Le couteau est dans mon coeur, et ça fait un peu mal. Le couteau est dans mon coeur. Mon sang coule, c'est joli. Pas comme celui de mon bras, non, il coule plus fort, et il mouille mon chemisier, et mon soutien-gorge. Oh, je me sens bizarre ! Je n'arrive plus à tenir debout ! Alors je m'assieds. Mon corps glisse contre le mur, mes fesses se heurtent au sol, et s'arrêtent. Je suis assise, et le couteau est dans mon coeur, et mon sang coule. Ça fait mal. Un peu. Comme avec mon bras. Non, un peu plus, peut-être. Tu es en face de moi. Assis. Tu ne bouges plus. Tu ne joues plus. Mais moi, je joue encore. Je joue au miroir. Je t'imite. Ma tête retombe sur mon sein. Je ne bouge plus. Tout comme toi, mon amour.

Le couteau est dans mon coeur, le couteau est dans mon coeur, le couteau est dans mon coeur...

Fuite inutile

[Texte écrit, à l'origine, pour une présentation sur un forum RPG]


Ce soir-là, la lune était pleine. Un nuage stagnait devant elle, filtrant la faible lumière qu'elle diffusait. Dans cette nuit à la fois sombre et lumineuse, deux adolescents marchaient. La rue était déserte. Pas une voiture, pas un chien, ne venait troubler l'imposant silence qui régnaient en maître sur la ville. Tant mieux pour eux. Le contraire eut été un catastrophe.
« Je... Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment une bonne idée... murmura une jeune fille, la plus petite des deux silhouettes.
- Ne t'en fais pas, Naki, lui répondit son compagnon en passant un bras derrière son épaule. Tout va bien se passer. Dans très peu de temps, nous serons libres ! Et alors... »
L'adolescent n'acheva pas sa phrase. Il avait parlé trop fort, et il lui semblait à présent entendre des bruits. Des bruits d'humains réveillés. Il s'était arrêté, les oreilles dressées, la queue battant l'air dans un mouvement d'inquiétude. Naki s'arrêta à son tour.
« Que se passe-t-il, Raito ?
- Ne traînons pas. Plus on s'éloignera du Domaine, plus on sera en sécurité, répondit-il. Viens ! »
Naki sentait, dans l'intonation de sa voix, que Raito était inquiet. Malgré tout, il ne lui faisait pas part de ses craintes. Il les gardait, enfermées au plus profond de lui même, pour ne pas casser Naki. Elle était si fragile, petite fleur dont les pétales ne demandaient qu'à tomber ! La jeune Neko lui en fut reconnaissante. Raito la prit par la main, et courut. Il courait vite, et Naki avait du mal à suivre. Toutefois, elle faisait de son mieux pour tenir la cadence. Sans cela, leur fugue n'aurait servi à rien. Fugue. Ce mot, qui lui avait semblé, quelques temps plus tôt, doux comme un morceau de nuage qui viendrait se frotter contre votre joue, il lui semblait maintenant rugueux, rèche. Fugue. Oui, maintenant, Naki détestait ce mot.
La nuit n'était plus si silencieuse, à présent. L'écho de leur course folle se réverbérait contre chaque mur, chaque maison, chaque rue, dans tout la ville. Naki ne savait plus s'ls couraient depuis des secondes, des minutes, des heures. Elle savait juste que ses poumons, en feu, réclamaient désespérément de l'oxygène.
« Raito, supplia-t-elle, arrêtons-nous !
- Trop tard. La ville commence à se réveiller. Bientôt, les gens du Domaine vont s'apercevoir de notre disparition, et appeler la police. Et alors... »
Il n'eut pas besoin d'achever sa phrase. Naki comprit. Et alors, la police les rattraperait, les rendrait à leurs maîtres, et ceux-ci, pour les punir, les priveraient de nourriture, de sommeil, ou les tueraient. Si la police ne l'avait pas déjà fait auparavant. Une sifflement, strident et suave, retentit dans la nuit. La sirène de police. Le son était tout proche. Trop proche.
« Raito ! pleura Naki. On n'y arrivera pas ! Ils ont des voitures, et... »
Le mutisme de son compagnon fut sa seule réponse. Naki accéléra encore, puisant dans ses dernières ressources d'énergie.Mais ce qui devait arriver arriva. Bientôt, la voiture de police, toute sirène hurlante, apparut droit devant eux, au détour d'un virage. Les hybrides firent aussitôt demi-tour et coururent dans l'autre direction. Mais c'était peine perdue.
« Eh, vous ! hurla un agent de police dans son mégaphone. Arrêtez-vous ! »
Raito se retourna, et montra son majeur aux policiers. Alors, les détonations fusèrent dans la nuit. Le corps de Raito, inerte et criblé de balles, retomba au sol comme une vulgaire poupée de chiffon.
« Raito ! » hurla Naki.
L'adolescente se mit à genoux devant le corps de son défunt camarade, seul ami dans sa misère, et pleura toutes les larmes de son corps. Pleurer était la seule chose qu'elle savait faire correctement. On lui attrapa les bras sans ménagement, pour la conduire dans la voiture, mais Naki n'en avait cure : Raito était mort.

Douleur

Elle se détend. Enfin. Cela fait trois jours maintenant. Trois jours qu'elle n'a pas souri. Trois jours qu'elle ne t'a pas taquiné. Trois jours que sa vie a basculé. Trois jours qu'elle a cessé de vivre. Trois jours que tu n'es plus là. Tu voulais bien faire, mais tu ne pouvais pas. Tu pleurais pour elle, sans t'en trouver le droit. Tu voulais la laisser dans sa solitude. Tu voulais qu'elle aille mieux tu ne pouvais rien. Tu voulais pouvoir faire quelque chose pour elle. Contre tout ce qu'elle avait fait pour toi.
Ce matin, il pleuvait. Tu t'es dit que ça ne pouvait plus durer. Tu es allé la voir, et puis tu as parlé. Longtemps, sans dire un mot, elle t'a juste écouté. Ses yeux trempés de larmes semblaient avoir séché. Puis tu t'es tu. Le silence a envahi la pièce, l'espace d'un instant. Cet instant était-il une seconde, une minute, une heure ? Tu n'en sais rien. Elle t'a bien regardé, et t'a pris dans ses bras. Et vous avez pleuré, tous deux, à l'unisson. Tu en avais le droit ; elle t'avait accepté.
Jamais la douleur ne s'efface réellement. Et dans sept ans, dix ans, vous serez toujours là. L'un réconfortant l'autre, l'une sanglotant tout bas.

Ballerine

Un pas. Puis deux. Le rythme se poursuit. Un pas. Puis deux. S'ensuit la mélodie. Un pas. Puis deux. Toujours, encore. Un pas. Puis deux. Un pas. Puis deux.
Une colonne de lumière, venue d'on ne sais-où, fait danser la poussière. On le croirait. Les notes du piano font vibrer l'atmosphère. Un pas. Puis deux.
Fausse note. Faux pas. Une cheville qui se foule. Une ballerine qui s'écroule. Les notes du piano se sont évaporées. Le rythme s'est rompu, la magie est brisée.
Un son. Puis deux. Le rythme se poursuit. Sirènes d'ambulances...

La petite messagère

Elle courait dans la neige. Son châle, elle l'avait perdu depuis longtemps. Elle n'avait plus qu'un chemisier. Ses pieds nus et rougis s'engourdissaient un peu plus à chaque pas. Elle se sentait faiblir. Bientôt, elle arrêta de courir, et marcha. Une trace rouge la suivait, devenant rose à mesure que la neige la recouvrait. Ce n'était pas grand-chose, juste une petite coupure. Une petite coupure au doigt. Une simple petite coupure. Voilà.
La tempête se faisait violence, le froid s'intensifiait. Pas après pas, seconde après seconde, sa vue se brouillait. Elle s'arrêta. Du blanc tourbillonnant, elle ne voyait que ça. Même la tâche rouge avait disparu de sa vue. Elle pouvait à peine distinguer ses mains. Mais elle devait continuer. Avancer, toujours tout droit. En dépit du vent qui soufflait en bourrasques intenses, menaçant d'emporter son joli minois. En dépit du froid, des aiguillons de glace qui s'insinuaient sous sa peau et la brûlaient.
La lettre, elle n'allait pas la lâcher. Ses doigts gelés en étaient bien incapables. Peut-être faudrait-il lui en couper, un, ou deux, pour pouvoir récupérer la précieuse enveloppe cachetée.
La tempête s'apaisa. Elle put de nouveau deviner les contours des bâtiments. Ses orteils gelés la faisaient souffrir, mais elle n'écoutait pas. Si elle s'arrêtait, prenait la moindre petite pause, elle ne repartirait pas. Elle le savait. Pire encore : elle n'arriverait pas à temps. Elle accéléra à cette seule pensée. Elle n'était plus très loin à présent. Plus très loin, non. Mais ses pieds refusèrent tout effort supplémentaire. D'un commun accord, ils l'abandonnèrent. Elle s'écroula sur le sol. Déjà, la neige commençait à la recouvrir. Elle ne se releva pas. Elle ne se relèverait plus.
La petite messagère avait échoué.

Je ne comprends pas

Pourquoi donc, ce jour-là, m'as-tu laissé monter, toi qui ne veux jamais, prétend que je suis sale ? Et pourquoi les enfants avaient-ils les yeux rouges ? Pourquoi reniflaient-ils et m'ont-ils enlacé ? Pourquoi ont-ils trempé ma fourrure de leurs larmes ? Et pourquoi de la main m'ont-ils fait leurs adieux ? Je ne comprends pas.

Nous avons cheminé. J'ai fait très attention, ne voulant pas salir. L'as-tu seulement remarqué ?
Nous avons vu la ville, puis la lande, la forêt. Tu t'y es arrêtée, m'as attaché ma laisse. Nous nous sommes promenés. C'était une belle journée par cet automne naissant. Le vent faisait frémir les feuilles sur les arbres. Les trouées de lumière dansaient sur le sol brun. Soudain, un félin. J'ai aperçu un chat. Plus fort que moi, l'instinct : j'ai bondi sur la bête. J'ai dû tirer trop fort ; tu as lâché la laisse. N'y prêtant attention, j'ai coursé l'animal, m'enfonçant dans les bois. Le vent me soufflait dans les oreilles, le sang battait à mes tempes. Les fougères s'écartaient sur mon passage ou me fouettaient les flancs. Soudain, je me suis étranglé. Le félin en a profité pour filer. La boucle de ma laisse s'était coincée dans un arbre. Trop haut pour pouvoir la décoincer moi-même. J'ai reculé pour pouvoir respirer. J'allais devoir t'attendre.
Et je t'ai attendue. Tu allais finir par t'inquiéter, partir à ma recherche. Tu me libérerais, nous pourrions rentrer. Il suffisait d'attendre. Les heures ont passé. La nuit est tombée. Mais tu n'es pas venue. Ne me trouvais-tu pas ? J'avais faim, un peu froid. Il pleuvait ; ma fourrure était trempée.
Alors j'ai tiré. De toutes mes forces, j'ai tiré sur ma laisse, pour qu'enfin elle se casse, qu'elle me laisse m'échapper de ma prison de feuilles. Il fallait qu'elle cède. Je m'étranglais. Mes poumons recherchaient désespérément de l'oxygène. Mais je continuais. Dans un grand craquement, je m'affalai dans la boue. La laisse avait cédé. Je pouvais respirer, j'allais te retrouver ! J'ai suivi ma propre trace. Mes pattes s'enfonçaient dans le sol spongieux. Ma queue battait d'impatience à l'idée de te revoir enfin. On n'aime jamais autant que dans l'adversité. J'ai retrouvé l'endroit où je t'avais laissée. Mais tu n'étais plus là. Rien d'étonnant : tu avais dû partir à ma recherche. Comme tu devais t'inquiéter !
J'ai aboyé. Peut-être reconnaîtrais-tu ma voix, te dirigerais-tu vers moi. J'ai encore attendu. J'ai encore aboyé. Tu n'es pas revenue. J'ai donc suivi ta trace. Étrange, me suis-je dit : tu n'étais pas allée plus loin dans la forêt. Ton odeur retournait vers la voiture. Mais bien sûr ! Comme tu étais brillante ! Tu comptais m'attendre là-bas. C'était un bon endroit pour se retrouver. Je t'ai encore suivie.
Et tu étais partie. Des ornières boueuses témoignaient du passage de la voiture. Et c'était tout. Tu n'étais plus là. Tu m'avais laissé là.

Allongé sur mon tapis de fougères, la fourrure souillée de boue, j'ai froid, j'ai faim. Cela fait trois jours maintenant, ou bien peut-être quatre. Que je t'attends, qu'il faut que tu reviennes me chercher. Tu étais une bonne personne. Je me rattache à cette idée comme à une bouée. Mais je sais bien, maintenant que je sens mes forces me quitter, que tu ne viendras pas. Et quand bien même tu viendrais, il serait trop tard. Je ferme les yeux, sachant qu'ils ne s'ouvriront plus.
Et je n'ai pas compris.

Prédateur

Tapie dans l'ombre, la bête attendait. Les herbes hautes et jaunies, striées de vide que l'ombre colorait de noir, masquaient parfaitement ses rayures. Seuls ses yeux étincelant auraient pu la faire repérer. Mais le soleil était si chaud et si lumineux que personne n'y prêtait attention. Le tigre avait soif. L'oasis était là, devant, lui. C'était tentant. Très tentant. Il n'avait qu'à bondir. Les animaux qui se désaltéraient se seraient enfuis en le voyant. Il aurait pu boire tout son soûl. L'oasis lui aurait appartenu pendant un temps. Et même pour toujours, s'il le voulait. Il lui aurait suffi de marquer son territoire. Oui, aller étancher sa soif lui aurait été plus que facile. Mais si un mal prédominait sa soif, c'était sa faim. Alors il attendait, tapi dans la pénombre, ajustant ses rayures à celles des hautes herbes, baissant la tête pour éviter de faire reluire ses yeux au soleil.
C'est alors qu'il la vit. C'est alors qu'il la vit, avec ses grandes oreilles, ses doux yeux cerclés de noir, ses longes cornes brunes. La gazelle. Sa proie. Le tigre frémit. Les herbes bruissèrent. La gazelle se retourna, les oreilles alertes, une lueur d'inquiétude dans les yeux. Le prédateur retint son souffle. Sa proie resta ainsi un long moment, immobile, à le fixer sans le voir. Puis elle se détendit. Elle se pencha et commença à boire à grandes lampées. Le soleil embrasait sa fourrure. Il fallait se dépêcher. C'était une proie facile. Le tigre banda ses muscles. Il attendit le moment où la gazelle lui tournerait complètement le dos. Il bondit. Ses griffes se plantèrent dans son échine tandis qu'il mordait sauvagement sa nuque. La bête bascula sur le flanc. Ses pattes s'agitaient en tous sens. Le tigre l'acheva d'un puissant coup de dents. Il poussa un rugissement de triomphe et mangea, mangea autant qu'il pût. Il voulait en laisser le moins possible à ces charognards qui n'étaient pas capables de tuer eux-mêmes leurs proies. Il voulait remplir son estomac autant que possible car il ne savait quand viendrait la prochaine proie. Rassasié, il essuya d'un coup de langue le sang sur ses babines et étancha sa soif.

Carpe Diem

Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube ! Soleil ! Crépuscule ! Lune ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE !
Bam. Babam. Bam babam. Bam ! Bam. Babam. Bam babam. Bam !


Cinq heures du matin. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Je n'avais jamais compris le réel sens de cette expression. Pour moi, ça n'avait toujours voulu dire que "Si tu te lèves tôt, tu pourras faire plus de choses dans la journée !".

Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !

L'homme fait rebondir ses mains sur ses bongos. Ce rythme effréné apaise le jeune garçon, debout devant sa fenêtre, parce qu'il s'est levé tôt et qui, à présent, contemple le spectacle. La main quitte le cuir tendu. Sous l'effet de la pression, il était descendu dans le trou de son socle. Maintenant, il remonte, il retourne vers le ciel rougeoyant.
Bom !
Il est de nouveau descendu, la main s'est abattue sur lui. Mais déjà elle le quitte, et le cuir retourne vers le ciel.

Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !
Rapidité effarante. Cycle perpétuel qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. Et l'homme musclé continue de frapper ses bongos. Et parce qu'il fait ce qui lui plaît, le monde lui appartient. L'enfant comprend, maintenant. Le monde appartient à cet homme parce qu'il fait ce qui lui plaît. Cet homme fait ce qu'il lui plaît parce qu'il s'est levé tôt. Parce qu'il s'est levé tôt, le monde lui appartient. Bientôt - trop tôt - le son des bongos s'estompera pour laisser place à celui des klaxons. Des milliers, des millions de klaxons hurlant à l'unisson pour se plaindre d'être frappé par des propriétaires énervés. Les morceaux de cuir tendus, eux, ne se plaignent pas. Ils respirent. Ils respirent parce que l'homme a la main ferme mais douce, qu'il est heureux, qu'il frappe de la bonne façon. Dans quelques heures, il aura revêtu un costume gris, noir ou bleu marine, avec une cravate, et s'énervera peut-être sur son klaxon comme des milliers d'autres autour de lui. Et le temps passe, et l'homme frappe ses bongos, continue de frapper ses bongos. Et le temps passe, et le musicien ne semble pas s'en inquiéter. Carpe Diem. C'est du latin. Ça veut dire "Profite du jour présent". Je l'ai appris à l'école. Enfin, au collège. Et le temps passe, et je grandis, et je suis déjà au lycée, et j'ai travail et je suis mort ! Mais calme, Carpe Diem, je ne suis que devant ma fenêtre, et le garçon regarde l'homme, et l'homme ne regarde pas le garçon, il frappe ses bongos, en rythme et cadence, et il frappe, et le monde lui appartient. Carpe Diem. Carpe Diem. L'homme semble l'avoir compris. Profite du jour présent, et continue de nous frapper, et continue de nous regarder et de nous écouter, de nous entendre, de dormir, de discuter au téléphone, le monde t'appartient parce que tu t'es levé tôt. Continue de nous frapper ! s'écrient les bongos. Continue, ne t'arrête pas, profite du moment présent et ne pense pas à la suite ! Ouvre ta fenêtre, profite de la douce chaleur du soleil pendant qu'il ne fait pas encore trop chaud, et prend ton temps, savoure chaque instant de ta vie, car tu ne les revivras pas. Savoure les instants, profite du moment présent, ouvre ta fenêtre et écoute-nous en goûtant la chaleur matinale du soleil sur ta peau jeune et frêle.

Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !
Et les bongos continuent de chanter, de chanter l'espoir, de chanter le cycle du jour et de la nuit, de chanter Carpe Diem, de chanter tout ce qu'il leur plaît, car le monde leur appartient, car ils se sont levés tôt. Moi, j'ai ouvert ma fenêtre. J'ai goûté les rayons matinaux du soleil. Ils sont pour toi, m'a-t-il dit. Parce que je t'appartiens, parce que tu t'es levé tôt. Bientôt, je vais devoir éclairer ton peuple, et tu ne pourras savourer mes rayons, car ils ne te seront plus destinés, mais destinés à toute une population. Mais tu es le maître du monde pour quelques instants, alors profite de ce moment magique et de ces rayons.
Bom. Bobom. Bom bobom. Bom ! Bom. Bobom. Bom bobom. Bom !
Et, puis soudain, sans prévenir, il se met à pleuvoir. Mais il ne pleut pas de gouttes d'eau démoralisantes. Non, il pleut des mots. L'enfant ne peut les comprendre, ils sont prononcés dans un dialecte qu'il ne connaît pas, mais ce sont des mots tendres, chaleureux, des mots qui brillent comme des étincelles avant de s'envoler et de se confondre avec l'air chauffé par le soleil.
Six heures. Comme le temps passe vite ! Mais tu ne dois pas t'en inquiéter. Carpe Diem.
Carpe Diem. Carpe Diem ! CARPE DIEM ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! AUBE ! SOLEIL ! CRÉPUSCULE ! LUNE ! Aube ! Soleil ! Crépuscule ! Lune ! Aube. Soleil. Crépuscule. Lune. Aube... Soleil... Crépuscule... Lune... Soleil... Crépuscule... Lune.

Attendre

Clap !
La bête hurla de douleur. Elle essaya de retirer sa patte. En vain. Attendre. Il n'y avait plus que ça à faire.
Attendre qu'un chasseur passe vérifier ses pièges. Le chasseur, voyant la pauvre bête, la relâcherait peut-être : Ce ne serait pas le genre de gibier qu'il chassait. Alors la bête retrouverait la meute, sa bien-aimée, ses enfants. Ou bien le chasseur emmènerait la bête avec lui. Non, les chasseurs ne faisaient jamais ce genre de choses. Peut-être que le chasseur le tuerait. Ensuite, il le ramènerait chez lui, l'exposant comme trophée. Où bien il utiliserait sa peau pour en faire un manteau, une couverture, un tapis... Qu'en savait-il ?
Attendre qu'un enfant passe. Un jeune bambin, qui serait traumatisé par la vue de cet atroce spectacle. Il appellerait son père, et cet homme au bon coeur le sauverait. Ou bien il le regarderait tristement, l'abandonnant à son sort. Que pouvait-il attendre des humains ? Peut-être aussi qu'il appellerait des personnes plus qualifiées. Ou alors, le jeune enfant appellerait sa mère. Ne voulant pas que son enfant voie la bête, ou qu'elle s'en prenne à lui, elle le serrerait dans ses bras et s'en irait.
Ou bien un garçon téméraire et en quête d'aventure, qui sauverait la bête et l'emmènerait loin de tous les dangers de la forêt. La bête découvrirait alors la ville. Cette ville, dont il avait si souvent entendu parler... Ce lieu de vie de tous les humains, qui avaient aménagé un espace à leur image comme jamais aucune autre forme de vie n'avait jamais réussi. Mais en voyant la bête, les gens alentours s'enfuiraient. Les parents du garçon appelleraient des chasseurs et tueraient la bête. Ou alors, le garçon rendrait simplement sa liberté à la bête.
Attendre que sa dulcinée ne le voie pas revenir. Inquiète, elle partirait alors à sa recherche et le trouverait. Elle appellerait les autres loups de la meute et, ensemble, ils délivreraient leur confrère.

(NDLA : Ce texte date un peu... Il se peut qu'il reste des fautes !)